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Les performances économiques de l’Afrique : au delà des ressources naturelles

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Très souvent dans nos analyses, on est porté à affirmer avec aisance que les performances économiques de l’Afrique sont liées à ses ressources naturelles. On ne va pas le nier, les ressources naturelles jouent une partition importante dans cette dynamique mais ne constitue pas toute l’histoire des performances actuelles de l’Afrique. Des économistes du FMI, ont à l’occasion de la revue semestrielle des Perspectives Economiques Mondiales (octobre 2013) réalisé une étude sur le sujet et ont prouvé que la dynamique économique en Afrique n’est pas limitée à la richesse du sous-sol.

Un certain nombre de pays en Afrique ne doivent pas leur performance économique à leurs ressources. En fait, ils n’en ont pas. Dans leur étude, les économistes du Fonds ont considéré les pays suivants qui ont la particularité de ne posséder aucune ressource naturelle : Burkina Faso. Ethiopie, Mozambique, Rwanda, Tanzanie et Uganda. Certains de ces pays sont à peine sortis de situation de crise. Il est assez impressionnant de voir que ces pays ont enregistré sur cette décennie des taux de croissance dignes des pays pétroliers. Selon les investigations des économistes du Fonds, la performance de ces pays est en lien avec une volonté systématique de reformer leur cadre macro-économique, tout en s’appuyant sur des stratégies de développement bien structurées.

Le Burkina Faso a renforcé ses institutions tout en adoptant un plan stratégique à moyen terme. Ceci, en plus des efforts qui sont faits pour renforcer l’activité dans le secteur du Coton. L’Ethiopie, pour sa part doit ces performances au secteur agricole mais aussi à son secteur touristique et au transport aérien. La Mozambique a su créer un environnement favorable aux investissements directs, qui a renforcé sa position en tant que producteur et transporteur d’électricité dans sa région. Le Rwanda après avoir stabilisé son environnement politique a su relancer son économie en s’appuyant sur une stratégie construite autour du tourisme et de la filière café. En Tanzanie, la carte des réformes aussi bien sur le plan institutionnelle et dans les différents secteurs, a permis le redressement économique du pays. L’Uganda s’est appuyé sur des réformes structurelles depuis le début des années 90, favorables à l’investissement privé tout en diversifiant son panier d’exportations.

Le point commun à ces pays, selon les auteurs de l’étude, est qu’ils ont su mettre en place des politiques économiques pour relancer l’économie dans le moyen terme concomitamment à des réformes structurelles. Ceci a permis  à ces pays de bénéficier d’importants flux d’aide financier et/ou d’allègement de dette, leur fournissant une marge financière pour la mise en place des projets/programmes définis dans leur plan stratégique de développement : que ce soit dans le social, dans les infrastructures ou dans les investissements en capital.

Les secteurs porteurs

Dans l’échantillon de pays considérés pour cette étude, l’agriculture occupe une place importante. Au Burkina Faso et au Mozambique, elle occupe près de 80% de la population active, et près de 71% en Uganda.

Le potentiel agricole de l’Afrique est encore important et l’agriculture est la première source de revenus des familles rurales. Ainsi, développer l’agriculture constitue une opportunité pour faire plus de croissance inclusive. Le développement de ce secteur en Afrique nécessitera l’intervention publique. Le Rwanda et l’Ethiopie l’ont bien démontré en assurant l’accès au fertilisants et semences pour les ménages agricoles.

L’étude a aussi mis en exergue l’importance des services, notamment le secteur des télécommunications, dans les performances économiques de ces pays. Le téléphone mobile est devenu un outil important dans les économies africaines et est utilisé à plusieurs niveaux – transfert d’argents, source d’information sur les prix des produits agricoles, la banque, etc, – permettant ainsi une intégration progressive des différentes couches de population dont les ménages ruraux sur le marché financier.

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Des marges budgétaires pro-investissement

La marge budgétaire résultant des réformes structurelles exécutées par les pays considérés dans l’étude a servi notamment à financer des investissements productifs et des dépenses considérées comme prioritaires.

Les allègements de dette dont ont bénéficié ces pays ont été orientés dans des investissements. L’investissement public au Burkina Faso, par exemple, a atteint 45% du PIB en 2010. Ces dépenses d’investissements ont concernés notamment des infrastructures dans divers domaines (santé, éducation, etc.). L’environnement des affaires créé par la mise en œuvre des réformes a favorisé le financement de projets à travers des partenariats public-privé. Au Mozambique, de tel partenariat ont permis le développement du transport ferroviaire, de ports et du réseau autoroutier avec péage.

Cette étude révèle l’existence de marges pour une croissante plus forte en Afrique et non porté par les ressources naturelles mais plutôt par une politique économique mieux ciblé et les réformes structurelles visant à renforcer le cadre institutionnel. L’expérience de ces 6 pays constitue une source d’enseignements non négligeables pour l’atteinte de l’objectif d’une croissance inclusive durable en Afrique. Ils ont su à travers des réformes et des politiques économiques bien ciblés et bien mis en œuvre, dans un environnement politique stable, redresser leurs économies.

Cependant, les défis restent réels, même dans ces pays considérés comme réformateurs. Si de façon générale, le rapport Doing Business 2014 estime que des efforts sont en cours dans les pays d’Afrique pour assurer un environnement des affaires attractif, il n’en demeure pas moins que la plupart des pays africains sont classé dans les 100 derniers dont la majorité dans les 50 derniers. Un classement qui est en phase avec les difficultés du secteur de l’énergie, notamment celui de l’électricité et des systèmes contraignants d’imposition. Les zone rurales, où se concentres les producteurs agricoles, sont encore enclavées empêchant leur accès au marché et de bénéficier de prix compétitifs. Il y a donc là une nécessité de réaliser davantage d’investissements structurants notamment dans le domaine des infrastructures routiers et dans le secteur de l’énergie tout en adoptant une législation fiscale assez souple pour favoriser la création et le développement des entreprises.
Foly Ananou

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