Une récente conférence organisé par Enda Tiers Monde et la Fondation Friedrich Ebert fut l’occasion de débattre sur les opportunités offertes par la croissance verte face au défi de développement social et économique durable en Afrique et de réfléchir aux moyens de concilier la nécessité de transformations structurelles pour un développement durable en Afrique via l’industrialisation avec la nécessité de préserver l’environnement qu’implique l’économie verte.

Les participants s’accordèrent sur l’idée que la valorisation des potentialités de l’économie verte devrait passer par la promotion des emplois verts, la gestion efficiente des ressources naturelles, un système énergétique durable accompagné d’une transformation structurelle forte pour saisir les opportunités de la croissance actuelle. L’élaboration d’une stratégie régionale et nationale de croissance verte, tout comme la mobilisation des ressources pour sa réalisation, ont aussi été jugées nécessaires.

Une transformation structurelle portée par la croissance verte

Après avoir suscité un grand engouement aussi bien durant le processus préparatoire qu’au moment de la conférence de Rio +20, le concept d’économie verte continue de poser le débat quant à son contenu et son lien avec le développement durable. Apparu dans un contexte de crises multiples -aussi bien alimentaire, économique, financière que climatique et environnementale- l’économie verte est perçue par certains comme une réponse.

En dépit de ressources naturelles abondantes et de la bonne croissance économique enregistrée cette dernière décennie, l’Afrique peine toujours à exploiter de façon efficace et durable le potentiel économique dont elle dispose. Des ressources halieutiques aux ressources énergétiques non renouvelables, on assiste effectivement à une exploitation à la fois anarchique, non valorisante et ce parfois à l’échelle artisanale. A cela s’ajoute le fait que l’Afrique est le continent le plus faiblement industrialisé et trop souvent, les fruits de l’exploitation des ressources naturelles ne profitent que trop peu aux populations locales.

Pour pallier a cela il convient de saisir les opportunités actuelles de croissante verte par l’élaboration d’une stratégie bien définie transformant les structures économiques du continent pour mieux intégrer l’économie verte au cœur des politiques. En effet, si la croissance économique enregistrée par l’Afrique n’a pas conduit à la réduction de la pauvreté et de la faim, ou à régler les problèmes liés à l’emploi, c’est par ce qu’elle n’est pas accompagnée d’une transformation structurelle et durable des économies africaines qui restent vulnérables face aux chocs extérieurs. Avec un faible taux d’industrialisation, le continent reste aussi dépendant de l’extérieur surtout en ce qui concerne les produits alimentaires. Pour renverser cette tendance l’Afrique devrait développer son secteur agricole industriel et surtout manufacturier pour accroitre sa production de biens à haute valeur ajoutée. Comment alors concilier des intérêts qui semblent antagonismes et transformer structurellement l’Afrique par l’industrie tout en préservant l’environnement?

Un certain nombre de pays émergents qui considèrent que le respect de normes environnementales risque de brider leur croissance ont fait prévaloir la primauté du développement sur le respect de l’environnement. Ces pays font toutefois face aujourd’hui à des problèmes environnementaux notamment surexploitation des ressources, pénurie d’eau, pollution, déchets, dégradation des sols qui sont des entraves à une croissance durable.

Transformer les défis actuels de développement en opportunités de croissance verte

L’expérience récente montre que les deux aspects sont conciliables. Et c’est de leur articulation que pourraient naître les futures ressources pour générer et entretenir une dynamique de développement centrée sur les intérêts des peuples africains actuels ainsi que des générations futures. En effet, l’économie verte peut offrir des opportunités pour les pays africains d’attirer des investissements dans les ressources environnementales et l’énergie renouvelable, qui seront, à terme, bénéfiques pour le développement et permettront de réduire la pauvreté et de créer des emplois selon de nombreuses études analytiques menées à cet effet.

Les investissements, tant de sources publiques que privées, peuvent être effectués dans les domaines de l’agriculture durable, la pêche et la gestion de la biodiversité, ainsi que dans la technologie, l’éducation et les infrastructures. L’exploitation du potentiel énergique renouvelable (solaire, de la biomasse et des ressources éoliennes) dont dispose l’Afrique pourrait aussi contribuer à l’efficacité énergique et garantir ainsi l’électricité en milieu rural qui est essentielle à l’amélioration de la santé, à l’éclairage des foyers et des écoles, au fonctionnement des systèmes d’information et de communication, à la réfrigération des aliments et des médicaments et pour l’alimentation des entreprises et industries en milieu rural. L’extension de l’électrification rurale peut également aider à renforcer les liens entre l’agriculture et les activités non agricoles en milieu rural, ce qui constituera un mécanisme puissant pour la croissance et la réduction de la pauvreté.

Quelles politiques pour réussir une transition vers une économie verte : exemples de quelques initiatives au niveau continental et national.

A l’occasion de la 14ème session de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE) qui s’est tenue du 12 au 14 septembre à Arusha, en Tanzanie, l’Afrique a adopté une déclaration sur la stratégie du continent pour le développement durable dans laquelle elle s’est engagée à initier un partenariat africain pour l’économie verte. Ceci manifeste la volonté politique de plus en plus forte et manifeste de l’Afrique pour stimuler les investissements et les mesures politiques pour promouvoir l’émergence d’une économie verte sur le continent. Les ministres africains ont décidé de mettre en place des mécanismes pour un soutien coordonné aux pays pour la promotion d’une économie verte, notamment le développement des partenariats, des stratégies nationales, la promotion de la coopération régionale et internationale et le transfert du savoir-faire et de technologies économes en ressources.

L’engagement de l’Afrique sur la voie de la croissance verte se manifeste également au niveau des investissements dont le montant global dans les énergies renouvelables a effectué un bond spectaculaire atteignant le chiffre record de 211 milliards de dollars US. Les pays africains enregistrent ainsi les taux d’augmentation les plus élevés de tous les pays en voie de développement -à l’exception du Brésil, de la Chine et de l’Inde. Le virage vers un modèle de développement plus écologique est aussi perceptible au sein de la Banque africaine de développement (BAD) qui travaille à l’intégration des concepts de développement sobre en carbone et la gestion des risques climatiques dans ses divers travaux tel le Plan d’action sur les changements climatiques (PACC, Fév 2012).

Au plan national, on note des initiatives prises de part et d’autres par certains pays démontrent qu’une économie verte orientée vers l’action est déjà en œuvre dans plusieurs de ces pays et pourrait servir d’exemple aux pays africains disposant du même potentiel de faire de même pour booster leur croissance économique.

En l’Afrique du Sud par exemple, un l’accord sur l’économie verte entre le gouvernement, les syndicats, le secteur privé et les organisations de la société civile pour créer 300 000 nouveaux emplois verts a été pris en Novembre 2011. De même, le Maroc, l’Egypte et l’Ouganda s’inscrivent dans cette dynamique avec respectivement des politiques de développement de l’énergie solaire, éolienne et de l’agriculture durable.

L’Afrique devrait toutefois relever le défi de mobilisation des ressources nécessaires
Les investissements consécutifs à transition vers une croissance supposent la mobilisation de ressources nouvelles et additionnelles afin de saisir réellement les opportunités d’un développement durable au niveau continental. Il n’existe aucune évaluation complète des coûts d’une transition vers l’économie verte pour l’Afrique, mais les estimations récentes du coût des mesures qui seront prises pour mettre l’Afrique sur une trajectoire de croissance moins productrice de carbone font état de montant de 9 à 12 milliards de dollars des États-Unis par an d’ici 2015. La mobilisation de cette manne financière s’annonce d’ores et déjà difficile pour l’Afrique. Les nations africaines auront donc clairement besoin de sources extérieures de financement par l’intermédiaire à la fois des fonds publics et des investissements privés et de l’aide publique au développement (APD) qui doivent demeurer une source essentielle de financement, malgré l’incertitude suscitée par les contraintes budgétaires dans les pays donateurs et qui ont conduit à son fléchissement cette année.

Outre la mobilisation des ressources financières, il est essentiel que les gouvernements mettent en place des politiques et des conditions propices à une transformation verte. Les gouvernements africains doivent donc mettre en place un cadre global comportant un ensemble cohérent de politiques, règlements et normes en vue de promouvoir la concurrence, l’accès aux technologies vertes qui va sans doute attirer les investissements étrangers.

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