Le développement de l’Afrique pour les décennies à venir sera déterminé par l’évolution d’un certain nombre de facteurs globaux, qu’ils soient humains ou physiques, et des politiques adoptées en réponse à ces changements.

Selon une étude de la banque africaine de développement (BAD), l’Afrique est confrontée à trois formes de changements de son environnement physique : le changement climatique, l’évolution des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables du continent et la disponibilité des terres et de l’eau sur le continent. Comment ces changements se dessinent-ils et quelles sont leurs conséquences ?

Alors qu’elle n’a guère contribué au réchauffement climatique, l’Afrique est très vulnérable à ses impacts à cause de sa faible capacité d’adaptation. Couplé aux catastrophes naturelles (sécheresse, inondations, variabilité des précipitations) qui touchent déjà la plupart des pays africains, le réchauffement climatique est très néfaste pour le développement socio-économique, la stabilité et le bien-être de la population africaine. Les modèles climatiques projettent une augmentation de température moyenne de 3° C à 4 ° C d’ici la fin du siècle en Afrique.

Même en ce qui concerne les précipitations avec leur forte variabilité spatio-temporelle, un consensus semble se dégager : On observera une humidification de l’Afrique orientale et dans une moindre mesure de l’Afrique de l’Ouest et un assèchement plus important du Sahara et du Sud de l’Afrique. Enfin l’élévation de niveau de la mer affecterait les iles, les zones côtières et les deltas. Un mètre du niveau de mer en plus se traduirait par des pertes sévères dans l’agriculture littorale, ainsi que la submersion des certaines infrastructures économiques et occasionnerait des déplacements des populations.

Une grande partie de ressources de base de l’Afrique est sous-utilisée. Selon la BAD, il est probable que l’Afrique abrite environ 30% des réserves minérales de la planète (40% de l’or mondial, 60% du cobalt, 72% du chrome et 65% des diamants). Compte tenu de la hausse des prix des matières premières et de la forte croissance économique notamment de la Chine, les investissements augmenteraient dans ce secteur ainsi que dans les infrastructures connexes pour sécuriser l’approvisionnement en matières premières.

Des nouvelles mines ouvriront pour les nouveaux types de produits pour lesquels il faudra des métaux spécifiques, tandis que la baisse des teneurs en minerais dans les produits, le recyclage et la substitution entraîneront la fermeture d’autres mines. Certains pays bénéficieront de ces changements, tandis que d’autres, autrefois fortement tributaires des recettes minières et minérales, devront se diversifier dans d’autres secteurs.

Concernant son environnement naturel, l’Afrique a perdu plus de 4 millions d’hectares de forêts par an (trois fois plus que la moyenne mondiale) de 1990 à 2005. La déforestation est plus rapide en Afrique de l’Ouest (où 80% de la forêt d’origine humide a été défrichée) et à Madagascar, mais elle est également présente en Afrique centrale. La conversion des terres à l’agriculture (60%), la récolte du bois et l’exploitation commerciale illégale ou mal contrôlée de la forêt sont les sources de cette déforestation. Pour les écosystèmes marins, la plus grande menace est la surexploitation par la pêche artisanale et la pêche industrielle. Les espèces sont en train de s’épuiser à un rythme qui fait de l’effondrement de la pêche une possibilité d’ici à 2060. Dans la plupart des zones, la pêche s’est révélée difficile à réglementer. Beaucoup de propriétaires de flottes étrangères n’ont pas d’accords avec les États côtiers en Afrique. Ces flottes pêchent soit illégalement dans les eaux territoriales qui sont en grande partie sans surveillance.

Enfin en ce qui concerne la disponibilité des terres et de l’eau, environ 21% de la superficie totale de l’Afrique est adaptée à la culture mais les experts s’accordent à dire que les sols de l’Afrique sub-saharienne sont les plus dégradés du monde. Les causes principales sont l’érosion et l’épuisement des minéraux (la perte de nutriment vitaux du sol). Avec l’augmentation de la pression démographique, il est probable que ces dégradations s’accélèrent et certains experts agricoles estiment que cela entrainerait des baisses de rendement de 17 à 30% en 2020, voire 50% dans les 30 à 50 ans.

L’Afrique est l’un des continents les plus secs. Environ 82% de ses terres sont classées comme arides ou semi-arides et elle ne dispose que de 9% des ressources mondiales en eaux renouvelables. Les pays nord-africains sont fortement tributaires des eaux souterraines, et de nombreux pays sont en train de pomper ces eaux souterraines plus vite qu’elles ne peuvent se renouveler. La consommation d’eau augmentera pour les usages domestiques, l’irrigation et l’industrie.

En Afrique subsaharienne, le pompage d’eau et la consommation totale d’eau augmenteront au moins jusqu’en 2025. Étant donné les tendances actuelles de croissance de la population et les modes d’utilisation de l’eau, les résultats des recherches indiquent qu’un certain nombre de pays vont dépasser les limites de leurs capacités terrestres des ressources en eau d’ici 2025. Les projections indiquent que le nombre de personnes vivant dans les zones de stress hydrique en Afrique concernera 35 à 45% du total de la population continentale en 2055, même en l’absence de changement climatique. Les populations en situation de risques écologiques devraient être de 350 à 600 million de personnes.

Les incertitudes qui entourent cette vision de l’Afrique en 2060 sont bien sûr énormes, mais une chose semble claire: ces tendances appellent des réponses politiques fortes. La BAD qui a effectué cette étude pour tracer la voie de la croissance inclusive insiste sur les évolutions politique et institutionnelle qui doivent accompagner ces évolutions physiques.
En 2060, un grand nombre des ressources minières actuelles seront épuisées et les stocks de ressources renouvelables pourraient être sérieusement appauvris. Ceci ne veut pas nécessairement dire une baisse globale de revenus des ressources naturelles pour l’Afrique, mais plutôt des nouvelles possibilités à la fois en termes d’emplacement et de composition des ressources. Pour les pays qui ont épuisé leurs ressources naturelles, il se posera la question de transition du modèle économique.

D’autres feront de nouvelles découvertes et suivront l’évolution des structures globales de la demande. Pour ces économies, le défi majeur sera de savoir comment faire face à la volatilité des marchés et gérer leurs nouvelles ressources pour le développement à long terme. Pour faire face à ces défis, il faut des efforts concertés et des approches communes. Compte tenu de la piètre performance de l’Afrique pour la gestion de ses ressources naturelles, un changement majeur d’approche des politiques économiques actuelles en direction d’une stratégie de croissance endogène et inclusive est nécessaire.

Djamal M. HALAWA

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